Nouvelles d'Ukraine No 16, août 2023

BONJOUR, GUTEN TAG, BONGIORNO Доброго дня!

La pause estivale touche à sa fin et je suis sur le chemin du retour d'Allemagne vers la Suisse. Maria Bilodid, Présidente du SI Club de Kiev, est également rentrée chez elle depuis quelques mois. Dans un entretien avec Annelies Debrunner, elle raconte comment s'est passé son retour et à quoi ressemble sa vie maintenant. Dans son club, elle a lancé des actions d'aide et des projets pour faire face aux conséquences de la guerre. Nos dons sont les bienvenus, ils donnent de l'assurance aux Soroptimistes et contribuent à atténuer les épreuves et l’impact de la guerre. Les Soroptimistes d'Ukraine n'abandonnent pas. Nous aussi, nous ne devons pas cesser de donner - merci de tout cœur pour votre soutien !

Catherine Schuppli, Présidente de l'Union Suisse des SI 2023 - 2024

De retour à temps pour le jubilé du SI Club Kiev

Après s'être réfugiée en Suisse avec ses deux enfants peu après le début de la guerre en mars 2022, Maria Bilodid est, depuis trois mois, de retour dans la capitale ukrainienne de Kiev. Durant l'entretien, Maria, présidente du club SI de Kiev, parle peu des horreurs de la guerre dans ce pays. Elle décrit plutôt son quotidien, ses efforts pour surmonter ce conflit de manière positive, vers la victoire et la paix.

Comment se porte Maria après que la famille a été séparée pendant plus d'un an ?
"Je suis contente d'être ici", déclare Maria. Elle est très heureuse d'avoir pris cette décision. Bien sûr, le quotidien à Kiev est totalement différent, car "on ne sait jamais ce qui va se passer". Il faut donc vivre spontanément tout en sachant structurer le quotidien et l'avenir. A cet égard, l'étape la plus importante est que, après les vacances d'été, les deux enfants entreront en première année et à l'école maternelle. On attend donc de savoir à quelle date et dans quel établissement scolaire les enfants commenceront la nouvelle année scolaire. De plus, prochainement, la famille déménagera dans une maison située un peu à l'extérieur de Kiev. Cela signifie plus de sécurité, car la propriété dispose d'une grande cave qui peut être utilisée comme abri anti-aérien.

Mettre en place un projet spontané

En tant que Présidente du SI Club Kiev, Maria s'occupe aussi intensivement de projets, dont elle parlera plus tard. L'intervention contre la catastrophe de la rupture du barrage de Cherson n'était pas prévue. Maria a réagi immédiatement avec son club. Au bout de cinq à six jours, le matériel de secours offert par les Soroptimistes a pu être envoyé. 100 couvertures, 100 paquets de nourriture ainsi que 100 paquets de produits d'hygiène sont parvenus aux personnes dans le besoin et ont été distribués. En août, Maria se rendra dans la région pour s'orienter sur place.
Maria souligne toutefois que, bien que l'on déplore 16 morts et 31 disparus, la catastrophe hydraulique et la catastrophe écologique encore imprévisible ne sont qu'une partie de la tragédie.
L'autre partie est le patrimoine culturel. La région de Kherson était, en effet, connue pour sa terre médicinale. Les Ukrainiens et les Ukrainiennes aimaient se faire soigner dans cette région avec de la terre médicinale blanche et bleue pour différents troubles physiques. "C'est une culture ancienne et sage", précise Maria.
 
La culture ukrainienne, dont nous n'avons malheureusement pas suffisamment pris conscience en Europe occidentale pendant des décennies, ne se limite évidemment pas aux anciennes formes de guérison corporelle par la terre. Elle comprend les formes culturelles traditionnelles et modernes les plus diverses, comme la musique, la peinture et la poésie.
Malheureusement, la culture ukrainienne a souvent été subsumée dans la culture russe. Pendant des décennies, le gouvernement russe a fait pression et a tenté de présenter la culture et la langue ukrainiennes comme secondaires, voire de les nier.
L'écrivain ukrainien Andreï Kourkov écrit dans "Journal d'une invasion" : "Mais en réalité, la Russie avait déclaré bien plus tôt la guerre pour la domination culturelle de l'Ukraine et d'autres anciennes républiques soviétiques. Depuis le début des années 2000, le Kremlin dépense chaque année des dizaines de millions d'euros pour prouver au monde entier que la culture russe a le dessus".

Le bonheur et la pensée positive

Bien que le stress auquel Maria, et probablement tous les habitants de l'Ukraine, sont exposés soit très perceptible et oppressant tout au long de l'entretien, Maria souligne très fortement les aspects positifs de son pays et de son expérience personnelle. Certes, elle évoque, presque en aparté, les maladies des enfants peu après leur retour de Suisse. Elle dit : "Je suis vraiment heureuse tous les jours, merci d'être en bonne santé. S'il m'arrive de m'inquiéter, je me dis : 'ça pourrait être pire'".
Dans ce contexte, nous abordons la religion et je raconte à Maria qu'en mars, j'ai visité des églises à Lviv où de nombreuses personnes ont cherché du réconfort dans la liturgie et le chant.
Maria relève, à ce sujet, qu'elle a été élevée de manière orthodoxe, mais qu'elle respecte de nombreuses religions tant qu'elles ne sont pas sectaires. "Cela donne de la force aux gens en ces temps difficiles. Il y a des gens qui n'avaient pas la foi - maintenant ils prient. Cela aide".

Un avenir sans guerre – "L'essentiel est de gagner cette guerre."

Maria subordonne tout à la croyance en un avenir sans guerre. Elle dit que les affaires de son mari vont beaucoup plus mal depuis le début de la guerre, que l'argent est rare, mais qu'il suffit pour vivre. Mais cela est secondaire pour tous les deux : "L'essentiel est que nous gagnions cette guerre". Il est compréhensible que pour Maria et sa famille - comme pour la plupart des gens en Ukraine - le bien-être personnel soit passé au second plan depuis le début de la guerre. Pour eux, la société ukrainienne dans sa lutte pour la survie pendant cette guerre atroce est bien plus importante.

Projets pour travailler sur les traumatismes

Maria parle également des projets que le club SI Kiev souhaite réaliser. Elle, qui, depuis longtemps, a déjà exercé de nombreuses activités bénévoles, déborde d'idées sur ce qu'elle pourrait 'mettre sur pied' en tant que présidente avec les Soroptimistes de Kiev.  En cette période de guerre, l'État n'a pas les moyens de financer le traitement des traumatismes, ce qui rend les initiatives des bénévoles d'autant plus urgentes. Les Soroptimistes de Kiev veulent développer des projets dans ce sens. Les personnes doivent par exemple être accompagnées par des spécialistes sur le chemin de la guérison grâce à différentes formes de thérapie. Selon Maria, les thérapies par la peinture et les thérapies corporelles seraient particulièrement importantes. Des spécialistes ayant suivi une formation approfondie dans ces domaines sont prêts à Kiev pour ces tâches.

Maria est revenue à temps pour lancer le jubilé en tant que présidente du SI Kiev.
L'interview a été réalisée début juillet.